Monsieur
le Président,
Lorsque les nations du monde se réunissent
en Assemblée, pour réfléchir sur les grandes questions auxquelles l'humanité
est confrontée, c’est un honneur et un
privilège de prendre la parole et de faire entendre le point de vue de son pays.
C'est donc animé de ce double sentiment qu’au
nom du peuple congolais je m'adresse à cette auguste Assemblée et, à travers
elle, à l’ensemble de la Communauté des nations.
Pour commencer, je voudrais vous adresser,
ainsi qu’aux membres de votre bureau, mes félicitations les plus sincères pour
votre élection à la présidence de cette Session Ordinaire de l'Assemblée
Générale de notre Organisation.
Je voudrais également salué votre prédécesseur,
Monsieur VUK JEREMIC pour la brillante manière dont il s’est acquitté de son
mandat.
Je voudrais enfin rendre un hommage mérité à
Monsieur BAN KI-MOON, Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies,
pour toutes ses initiatives en matière de paix et de sécurité à travers le
monde et pour son implication personnelle dans la recherche des voies et
moyens pouvant aider à ramener la paix
et la stabilité dans l’Est de la République Démocratique du Congo et dans l'ensemble de la région des Grands Lacs.
Ses efforts sont d’autant méritoires que les
ennemis de la paix sont toujours à l’affût, prêts à frapper n’importe qui,
n’importe quand et n’importe où, comme nous le rappelle tristement l’attaque
terroriste qui vient d’endeuiller la République du Kenya.
Au nom du Gouvernement, du peuple congolais
et en mon nom propre, je condamne cet acte ignoble.
Que le peuple frère du Kenya et ses
dirigeants veuillent trouver ici l’expression de notre compassion et de notre
solidarité.
Monsieur
le Président,
C’est à juste titre que vous avez proposé que
le thème du présent débat général soit, je cite: " Le programme de développement pour l'après-2015 : Plantons
le décor". Fin de citation.
De manière tout aussi pertinente, vous avez
indiqué qu'il fallait tirer les leçons de la mise en œuvre des Objectifs du Millénaires
pour le Développement, tenir compte des défis nouveaux et émergents du
développement, créer des indicateurs quantifiables, nouer des nouveaux types de
partenariat et mieux intégrer les dimensions économique, sociale et
environnementale du développement durable.
L'importance du thème choisi et la
pertinence des indicateurs qui l'accompagnent sont incontestables. Notre
réflexion doit en être d’autant plus exigeante que
l’environnement international est marqué par plusieurs pesanteurs.
En effet, au moment où il est question
d’organiser l'après 2015, la Communauté Internationale est de plus en plus
marquée par le non respect, par certains de ses membres, des principes
fondamentaux des relations internationales, l'égoïsme persistant des Etats et les
convulsions de l'économie mondiale.
Les conséquences qui s'ensuivent sont
multiples. Elles vont des atteintes à la paix aux conflits meurtriers, d’une mondialisation
essentiellement mue par la recherche effrénée du profit à l’aggravation de la
pauvreté. A ceci s'ajoutent la crise alimentaire, la famine, les maladies et
endémies naguère disparues qui, aujourd’hui refont surface, et la destruction
de l'environnement, principale cause du changement climatique et de ses effets
déplorables.
Je me félicite de la mise sur pied par
l’Assemblée générale de l’ONU, en vue de changer cette situation inconfortable,
du Groupe de travail chargé de définir les objectifs du développement durable,
du Comité intergouvernemental d’Experts sur le financement dudit développement,
ainsi que du Forum politique de haut niveau pour impulser l’exécution des
recommandations et décisions sur le développement durable.
Mon souhait est de voir ce processus
s’harmoniser avec celui en cours sur la mutation du Conseil Economique et
Social, et par-delà celle de l’ensemble du système des Nations Unies, en vue d’une meilleure intégration de trois
dimensions du développement durable, à savoir les dimensions économique,
sociale et environnementale, dans le nouvel agenda post 2015.
Le nouveau programme que nous sommes appelés
à mettre sur pied devra être universel, ambitieux, capable de répondre aux
défis immenses auxquels fait face l’humanité et porteur de transformations positives,
sur la base du principe des responsabilités partagées et différenciées.
Dans cette perspective, il serait important
de nous appuyer sur la contribution des femmes, des jeunes et de la société
civile, tant dans la conception que dans l’exécution de cet agenda. Nous
devrions également nous inspirer des leçons de la mise en œuvre des Objectifs
du Millénaire pour le Développement.
Monsieur
le Président,
S'agissant particulièrement du changement climatique, comme question
importante à résoudre pour l’après-2015, permettez-moi de rappeler qu’aux
termes du document final de la Conférence des Nations Unies sur le
développement durable (Rio+20), les Etats se sont engagés pour l’abandon des
modes de consommation et de production non viables à long terme, en faveur de
modes durables de gestion des ressources naturelles sur lesquelles repose le
développement économique et social, voire l’avenir de l’humanité.
Le changement climatique constitue une
menace pour l’homme et ses droits fondamentaux, particulièrement pour les
populations vulnérables, dont celles du continent africain et des pays
insulaires.
Contribuer à en limiter l’impact est, pour
chacun de nos Etats, une responsabilité envers sa population, un service à
l’espèce humaine et un devoir de solidarité internationale.
Consciente de cela, la République
Démocratique du Congo, pays à la biodiversité exceptionnelle, s’est toujours
imposé de gérer ses ressources naturelles avec le souci de l’avenir. C’est dans
cette optique que s’inscrit la politique de gestion de nos écosystèmes
forestiers.
Le projet du Grand Inga relève de la même
logique. Il y a lieu de souligner, en effet, que ce projet devrait, à terme,
permettre de produire suffisamment d’électricité pour satisfaire les besoins de
près de la moitié de l’Afrique. Une énergie propre et renouvelable, compatible
avec les exigences du développement durable.
Monsieur
le Président,
C’est aujourd’hui que nous devons commencer
à planter le décor pour l’après-2015.
Dans ce contexte, j’émets le souhait de voir
les propositions qui sortiront de cette
session traduire notre volonté commune de privilégier la dimension économique, sociale et
environnementale du développement durable.
Ces propositions devront couvrir nos
programmes locaux, nationaux et régionaux de développement. Elles devront
également impulser une coopération internationale audacieuse et refléter la
volonté de chacun de nos Etats à contribuer à la paix et à la sécurité
internationale.
Monsieur
le Président,
Sans paix, aucun progrès n’est envisageable.
Sans un minimum de conditions de sécurité des personnes et de leurs biens, tout
développement est hypothétique. Cela est d’autant plus inacceptable que la
rupture de la paix est le fait d’une agression extérieure.
C’est la triste histoire récente de mon
pays.
Il est à ce sujet important de rappeler une double
réalité, souvent méconnue ou occultée, à
savoir : que c’est pour avoir posé un acte de solidarité en accueillant
sur son territoire des refugiés originaires du Rwanda, que les populations
congolaises de l’Est de mon pays sont privées de la paix, droit élémentaire de
tout être humain et qu’ils n’arrêtent de compter les morts, l’épisode le plus
récent de cette tragédie sans fin étant celui de ces femmes et enfants de Goma
aplatis sous les bombes au mois de juillet dernier.
Une véritable tragédie dont l’ampleur n’a
d’égale dans l’histoire de l’humanité et qui ne peut laisser cette dernière
indifférente.
Il y a lieu de se demander ce qui resterait
du droit international humanitaire, si accueillir des réfugiés en détresse,
acte humanitaire par excellence, devait désormais être considéré suffisant pour
justifier le déclenchement d’une guerre.
Monsieur
le Président,
Les récents bombardements de de la ville de Goma
sont d’autant plus condamnables qu’ils ont été perpetrés alors que le
gouvernement de la République Démocratique du Congo était en train d’exécuter
la feuille de route fixée par l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, en ce compris
les pourparlers avec le groupe armé auteur desdits bombardements.
Je voudrais néanmoins réaffirmer la
détermination de mon pays de s’acquitter de tous les engagements souscrits dans
le cadre de cet Accord-cadre. C’est dans
cette optique que les actions concrètes ci-après ont déjà été posées par le
Gouvernement congolais :
-
La mise en place du Mécanisme National de
Suivi de la mise en œuvre des engagements de la République Démocratique du
Congo ;
-
L’accélération de la réforme du secteur de
sécurité, particulièrement de l’Armée, de la Police et de la justice ;
-
La décentralisation qui a franchi un pas
supplémentaire vers sa matérialisation avec l’adoption des lois nécessaires
pour sa mise en œuvre ;
-
La réforme de la gestion des finances
publiques ;
-
La
restructuration de la Commission Electorale Nationale Indépendante qui
s’est immédiatement mise à l’œuvre avec comme priorité la poursuite du
processus électoral en vue de l’organisation des élections locales,
municipales, provinciales, sénatoriales et des Gouverneurs de province ;
-
La tenue des Concertations Nationales depuis
le 7 septembre 2013 dont l’objectif est la recherche de la cohésion nationale
pour mieux faire face à tous les défis que la nation congolaise est appelée à
relever.
Par-delà ces efforts de la République
Démocratique du Congo, l’avènement d’une paix durable dans la région dépend de
deux conditions majeures : la fin de l’impunité sous toutes ses formes ,
d’une part, et d’autre part, la mise en œuvre diligente, par les autres
signataires de l’Accord-cadre des engagements qui leur incombent aux termes
dudit accord.
Aussi, une fois de plus, mon pays lance-t-il
un appel pressant à notre Organisation Universelle de traiter tous les Etats
membres avec la même rigueur et d’exiger de chacun le strict respect des
principes de la Charte des Nations Unies.
Dénoncer la violation de ces principes est certes
une bonne chose ; mais sanctionner ceux qui les violent est de loin
meilleur. Surtout quand la violation est établie, persistante et répétitive.
Monsieur
le Président,
Je ne saurais terminer mon propos sans
remercier la SADC, la CIRGL, l’Union Africaine et l’Union Européenne pour le
rôle essentiel qu’elles jouent dans le maintien de la paix au niveau de notre
région.
Je remercie tout autant les Nations Unies,
singulièrement les membres du Conseil de Sécurité, ainsi que tous les Etats
qui, depuis plusieurs années, se sont engagé à nos côtés pour assurer la paix
en République Démocratique du Congo.
Nous leur sommes d’autant plus
reconnaissants qu’ils contribuent à l’une des ruptures à opérer pour un programme
de développement pour l’après 2015 qui réponde aux exigences d’un monde
meilleur pour tous. Il s’agit de se convaincre que, par-delà nos clivages, nous
avons un destin commun et de considérer nos diversités pour ce qu’elles sont
fondamentalement, à savoir : une richesse.
Pour la Communauté Internationale, il est en
effet plus que temps de trouver les voies et moyens de permettre à des millions
de personnes non pas d’être simplement en vie, mais de vivre dignement, dans un
monde où la paix, la sécurité et la justice sont une réalité pour tous.
Monsieur
le Président,
Mesdames
et Messieurs les Chefs de délégation,
Je vous remercie.